Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/113

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Quand le grand Khan sut que Nayan était pris, il en fut tout joyeux et commanda de le mettre à mort sur le champ : il voulut que personne ne le vît car il craignait, comme le prisonnier était de sa famille, d’avoir pitié de lui et de lui pardonner. On enferma étroitement Nayan dans un tapis et on le traîna çà et là tant qu’il en mourut. Le Khan le fit tuer ainsi, parce qu’il ne voulait pas que le sang de son lignage impérial fût répandu ni en l’air ni sur terre ni au soleil.

Quand le grand Khan eut remporté cette victoire, il se fit jurer fidélité par tous les habitants des provinces de Nayan. Ceux qui étaient idolâtres et musulmans se moquaient de leurs compatriotes chrétiens, surtout de la croix que Nayan avait portée sur ses étendards et qu’ils ne pouvaient supporter. « Voyez, disaient-ils, comment la croix de votre Dieu a aidé Nayan, qui était chrétien et qui l’adorait. » Ces propos vinrent jusqu’au grand Khan. Quand il les connut, il blâma vivement les railleurs et rassura les chrétiens. « Si la croix n’a pas aidé Nayan, dit-il, elle a bien fait. Étant bonne comme elle est, elle ne pouvait faire autrement ; car Nayan était un félon et un traître qui se battait contre son seigneur et le sort qui lui est arrivé, il l’avait mérité. La croix de votre Dieu a très bien agi en ne l’aidant point contre le droit. » Le Khan parla si haut que chacun l’entendit. Les chrétiens lui répondirent : « Très haut seigneur, vous parlez bien, car notre croix ne veut aider personne à tort ; aussi n’a-t-elle pas aidé Nayan qui agissait mal et déloyalement ; elle n’a pas voulu l’imiter dans sa malice. » Depuis lors,