Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE VI

Le vieux de la montagne


Mulette, c’est-à-dire en français dieu terrestre, est une contrée où le Vieux de la Montagne demeurait autrefois. Je vous conterai son histoire telle que messire Marco Polo l’entendit conter par les habitants. Dans leur langue, ils l’appelaient Aloadin[1]. Il avait fait clore entre deux montagnes, en une vallée, le plus grand et le plus beau jardin qu’on ait jamais vu. Ce jardin était rempli de tous les fruits du monde : on y trouvait les plus belles maisons et les plus beaux palais, tous dorés et revêtus de superbes ornements. Des canaux circulaient pleins de vin, de lait, de miel, d’eau ; des dames et demoiselles de grande beauté jouaient de toutes sortes d’instruments et chantaient merveilleusement : elles dansaient si bien que c’était un charme de les voir. Le Vieux disait à qui voulait l’entendre que ce jardin était le Paradis. Il l’avait, en effet, aménagé sur le modèle du Paradis de Mahomet, plein de ruisseaux de vin, de lait, de miel et d’eau et peuplé de houris. Aussi, dans son entourage, personne ne doutait que ce fût là le Paradis.

Il en réservait l’accès à ceux dont il voulait faire

  1. Ab-ed-din Mohammed, chef des Ismaéliens, régna de 1220 à 1255.