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CONTES ARABES.

malheureux. Il étoit non-seulement hors d’état de marcher et de se soutenir, mais il avoit encore perdu l’usage de la parole, et il ne donnoit aucun signe de vie que par ses regards. Quoique la reine n’eût que la consolation de le voir et de lui dire tout ce que son fol amour pouvoit lui inspirer de plus tendre et de plus passionné, elle ne laissoit pas de lui rendre chaque jour deux visites assez longues. J’étois bien informé de tout cela ; mais je feignois de l’ignorer.

» Un jour j’allai par curiosité au Palais des larmes, pour savoir quelle y étoit l’occupation de cette princesse ; et d’un endroit où je ne pouvois être vu, je l’entendis parler dans ces termes à son amant : « Je suis dans la dernière affliction de vous voir en l’état où vous êtes ; je ne sens pas moins vivement que vous-même les maux cuisans que vous souffrez ; mais, chère ame, je vous parle toujours, et vous ne répondez pas. Jusques à quand garderez-vous le silence ? Dites un mot seulement. Hélas !