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LES MILLE ET UNE NUITS,

« Enfin, Seigneur, je suis au comble de ma joie, d’avoir fait aujourd’hui la rencontre d’un homme de votre mérite. »

Ces saillies d’Abou Hassan divertissoient fort le calife, qui avoit naturellement l’esprit très-enjoué, et qui se faisoit un plaisir de l’exciter à boire, en demandant souvent lui-même du vin, afin de le mieux connoître dans son entretien, par la gaieté que le vin lui inspiroit. Pour entrer en conversation, il lui demanda comment il s’appeloit, à quoi il s’occupoit, et de quelle manière il passoit la vie ? « Seigneur, répondit-il, mon nom est Abou Hassan. J’ai perdu mon père qui étoit marchand, non pas à la vérité des plus riches, mais au moins de ceux qui vivoient le plus commodément à Bagdad. En mourant, il me laissa une succession plus que suffisante pour vivre sans ambition selon mon état. Comme sa conduite à mon égard avoit été fort sévère, et que jusqu’à sa mort j’avois passé la meilleure partie