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CONTES ARABES.

mes mains à des hommes qui n’en seront pas méconnoissans comme toi. »

» Le derviche ne m’en dit pas davantage, et je n’avois rien à lui répliquer. Il me laissa seul accablé de confusion, et plongé dans un excès de douleur qu’on ne peut exprimer ; et après avoir rassemblé mes quatre-vingts chameaux, il les emmena, et poursuivit son chemin jusqu’à Balsora.

» Je le priai de ne me point abandonner en cet état malheureux, et de m’aider du moins à me conduire jusqu’à la première caravane ; mais il fut sourd à mes prières et à mes cris. Ainsi privé de la vue et de tout ce que je possédois au monde, je serois mort d’affliction et de faim, si le lendemain une caravane qui revenoit de Balsora, ne m’eût bien voulu recevoir charitablement, et me remener à Bagdad.

» D’un état à m’égaler à des princes, sinon en forces et en puissance, au moins en richesses et en magnificence, je me vis réduit à la mendicité sans aucune ressource. Il fallut donc me résoudre à demander l’aumône,