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LES RAVAGEURS

l’ensemble constitue au besoin une râpe. Le papillon commence donc par humecter avec une goutte de salive le point du cocon qu’il veut attaquer ; et puis, appliquant un œil sur l’endroit ainsi ramolli, il tourne sur lui-même, il cogne, il gratte, il lime. Un à un, les fils de soie cèdent à la râpe. Le trou est fait, le papillon sort du cocon. Que vous en semble ? Les bêtes parfois n’ont-elles pas de l’esprit comme quatre ? Qui de nous se serait avisé de forcer les murs d’une prison en les cognant de l’œil ?

Émile. — Le papillon doit avoir bien cherché pour arriver à ce moyen ingénieux ?

Paul. — Je vous le répète encore : le papillon ne cherche pas, ne réfléchit pas. Il sait immédiatement faire et très bien faire ce qui le concerne. Un autre a réfléchi pour lui.

Émile. — Et qui ?

Paul. — Dieu lui-même, Dieu, le grand savant qui a doué chaque espèce de l’instinct nécessaire à sa conservation.

Le papillon du ver à soie n’a rien de gracieux. Il est blanchâtre, ventru, lourd. Il ne vole pas, comme les autres, de fleur en fleur, car il ne prend aucune nourriture. Aussitôt sorti du cocon, il se met à pondre ses œufs, puis il meurt. Les œufs du ver à soie s’appellent vulgairement graines, expression fort juste, car l’œuf est la graine de l’animal comme la graine est l’œuf de la plante. Œuf et graine se correspondent.

Tous les insectes à métamorphoses passent par les quatre états que je viens de vous faire connaître : œuf, larve ou chenille, chrysalide ou nymphe,