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LES RAVAGEURS

dormir jusqu’à ce qu’un rayon de soleil vienne caresser ses joues roses, et disons un mot des gens de la maison.

L’oncle Paul est bien dans le village celui de tous qui sait le mieux conduire un jardin. Quand le temps des cerises est venu, on s’arrête émerveillé devant sa rangée de cerisiers, dont les branches luisantes fléchissent sous la charge des fruits. Puis il y a des poires plus grosses que les deux poings, dont la chair sucrée se fond dans la bouche ; des pommes parfumées, colorées de rouge sur une moitié, de jaune sur l’autre ; des prunes enfarinées d’une fine poussière bleue et qui pour la douceur valent presque le miel ; des raisins blancs dont les grains à peau fine laissent voir le jour à travers ; des fraises qui vous embaument, des pêches exquises et même des noisettes, si savoureuses quand elles sont fraîches. Que de belles et bonnes choses il y a dans le jardin de l’oncle Paul ! Il est vrai, personne ne le conteste, que, de tout le village, c’est lui qui sait le mieux conduire un arbre à fruit. Il greffe, il taille mieux que pas un ; il connaît à fond ce qui peut nuire aux arbres et ne manque jamais d’y porter remède de tout son pouvoir. Aussi son jardin est-il cité comme modèle à deux lieues à la ronde. Il conduit avec le même succès ses blés, ses orges, ses luzernes, ses vignes, ses pommes de terre, car il est très entendu sur tout ce qui a rapport aux travaux des champs. Souvent on vient le consulter sur les choses de l’agriculture, parfois d’assez loin, et c’est toujours avec une parfaite bonté qu’il met son savoir au service des autres. En reconnaissance et pour l’honorer, les gens du