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LES RAVAGEURS

il gratte sous les écorces, il taraude le vieux bois, partout il fourmille, partout il répand l’animation, l’activité, la vie. Pour lui, le monde est presque trop étroit. On évalue à 400,000 le nombre des espèces répandues sur le globe, et Dieu seul sait par combien de millions et de millions chaque espèce est représentée. Rappelez-vous le hanneton.

Jules. — Je comprends de mieux en mieux la valeur de votre expression : les grands mangeurs. Par leur nombre et leur appétit, les insectes seraient de force à dévorer le monde, si rien ne faisait obstacle à leur effrayante multiplication.

Émile. — Les savants doivent avoir un fameux travail pour se retrouver au milieu de toutes ces espèces.

Paul. — Voilà pourquoi ils ont imaginé, tant pour les insectes que pour les autres animaux et les plantes aussi, ce qu’on appelle une classification, c’est-à-dire un arrangement par groupes de plus en plus petits, comme je viens de vous en donner une bien faible idée.

Émile. — Chaque espèce a son nom, n’est-ce pas ?

Paul. — Oui, mon ami : chaque espèce a son nom, parfois joli, trop souvent assez bizarre et emprunté soit au grec, soit au latin, deux magnifiques langues dans le temps, mais qui ne se parlent plus aujourd’hui. Ainsi le hanneton s’appelle melolontha.

Émile. — Oh ! quel drôle de nom ! Pourquoi ne pas dire hanneton ?

Paul. — Hanneton est un mot français, compris seulement en France et de ceux qui savent notre langue. Un Russe, un Suédois, un Anglais peuvent