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LES RAVAGEURS

d’un bleu céleste, était d’abord une pauvre chenille velue ; le splendide machaon a débuté par être une chenille verte rayée de noir en travers, avec des points roux sur les flancs ; l’élégante zeuzère, si bien parée que les jardiniers la nomment la coquette, est en débutant la misérable chenille que vous savez. De cette abjecte vermine, la métamorphose fait les papillons, ces délicieuses créatures avec lesquelles les fleurs peuvent seules rivaliser d’élégance.

Vous savez tous le conte de Cendrillon. Ses sœurs sont parties pour le bal, bien fières, bien pimpantes. Cendrillon, le cœur gros, surveille la marmite. Arrive la marraine. « Va, dit-elle, au jardin quérir une citrouille. » Et voilà que la citrouille évidée se change, sous la baguette de la fée marraine, en un carrosse doré. « Cendrillon, fait-elle encore, lève la trappe de la souricière. » Six souris s’en échappent, aussitôt touchées de la magique baguette, aussitôt métamorphosées en six chevaux d’un beau gris pommelé. Un rat à maîtresse barbe devient un gros cocher doué d’une triomphante moustache. Six lézards qui dormaient derrière l’arrosoir deviennent des laquais tout de vert chamarrés, qui montent aussitôt derrière le carrosse. Enfin les méchantes nippes, les nippes crasseuses de la pauvre fille sont changées en habits de drap d’or et d’argent semés de pierreries. Cendrillon part pour le bal, chaussée de pantoufles de verre. Mieux que moi, vous savez apparemment le reste.

Ces puissantes marraines pour qui c’était un jeu de changer des souris en chevaux, des lézards en laquais, de laides nippes en habits somptueux, ces