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LES SÉRAILS DE LONDRES

fidente, elle ne se donnoit judicieusement que quarante ans.

Le colonel, après avoir prononcé cette sentence avec quelque difficulté, s’arrêta un instant, et il poursuivit ensuite :

Si nous devons donc ajouter foi au bruit public il est rapporté que sa confidente blâmant sa conduite indiscrette, elle s’emporta contre elle, et ne put s’empêcher de lui dire, d’une voix forte, qui fut entendue des domestiques : « — Ne savez-vous pas vieille folle que vous êtes, que je suis au-dessus du scandale ? D’ailleurs quel risque ai-je à courir ? ne suis-je pas, quoique je ne veuille pas en informer le monde, dans la saison de ne plus avoir d’enfant ! J’étois résolue d’examiner avant de faire le saut ! Je n’ai jamais aimé à acheter chat en poche ! je suis donc déterminée à connoître mon homme avant de m’engager pour la vie ! » Après avoir prononcé ces mots, elle s’élança hors de la chambre, et elle se rendit, sans y être attendue, à l’appartement de sa fille ; elle la découvrit lisant une lettre ; elle s’approcha doucement d’elle, elle regarda, elle crut reconnoître l’écriture de celui qui l’avoit écrite, ce qui excita tellement sa jalousie, qu’elle fondit avec précipitation sur sa fille, et la lui arracha des mains. Après en avoir pris lecture, elle vit, comme elle l’avoit conjecturé, qu’elle étoit adressée par Monsieur L...ni, qu’elle contenoit les déclarations les plus tendres et les plus passionnées, ainsi que quelques communications indirectes de la passion de sa mère pour lui, qui lui étoient tout à fait à charge et désagréables.

Madame D...n, furieuse de cette découverte, déchira la lettre en mille morceaux, elle réprimanda sa fille de la manière la plus forte ; elle étoit sur le point de demander sa voiture pour aller trouver l’insolent et infidèle