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LES SÉRAILS DE LONDRES

comme il se l’imaginoit, un parti très avantageux dans la personne d’un marchand Portugais extrêmement riche. Cette jeune personne entroit dans sa dix-septième année ; elle étoit fort jolie et très grande pour son âge. Elle avoit les yeux d’un beau bleu, qui exprimoient modestement les émotions de son âme, et qui auroient enflammé le cœur d’un hermite, et lui auroient fait oublier sa cellule et ses vœux célibataires ; en un mot, toute sa personne étoit calculée pour inspirer au plus haut degré possible la passion la plus tendre.

Son mari futur avoit près de cinquante ans ; la nature ne l’avoit favorisé ni d’une figure agréable ni d’une tournure satisfaisante : comme il avoit passé le printemps et l’été de sa vie dans les climats brûlants, qui ne sont pas très favorables au teint, le sien étoit bien différent de celui des Européens ; pendant le cours de ses voyages il avoit contracté un genre de caractère dur, qui sembloit être étranger aux passions les plus nobles, et aux sentiments délicats du cœur. Il n’est pas étonnant qu’un tel homme ne plût pas à Lucy ; elle refusa d’obéir aux ordres de son père ; mais ses mandats étoient irrévocables ; les sollicitations et les plus tendres supplications de cette belle fille ne purent le faire changer de résolution ; en vain elle demanda, à genoux, quelques jours de répit pour se préparer à ce terrible sacrifice ; celui de