fenêtres s’ouvraient, percées irrégulièrement. C’était un pêle-mêle d’encoignures, de petites murailles, de constructions ajoutées après coup, de poutres et de toitures qui donnaient au moulin un aspect d’ancienne citadelle démantelée. Mais des lierres avaient poussé, toutes sortes de plantes grimpantes bouchaient les crevasses trop grandes et mettaient un manteau vert à la vieille demeure. Les demoiselles qui passaient, dessinaient sur leurs albums le moulin du père Merlier.
Du côté de la route, la maison était plus solide. Un portail en pierre s’ouvrait sur la grande cour, que bordaient à droite et à gauche des hangars et des écuries. Près d’un puits, un orme immense couvrait de son ombre la moitié de la cour. Au fond, la maison alignait les quatre fenêtres de son premier étage, surmonté d’un colombier. La seule coquetterie du père Merlier était de faire badigeonner cette façade tous les dix ans. Elle venait justement d’être blanchie, et elle éblouissait le village, lorsque le soleil l’allumait, au milieu du jour.
Depuis vingt ans, le père Merlier était maire de Rocreuse. On l’estimait pour la fortune qu’il avait su faire. On lui donnait quelque chose comme quatre-vingt mille francs, amassés sou à sou. Quand il avait épousé Madeleine Guillard, qui lui apportait en dot le moulin, il ne possédait guère que ses deux bras. Mais Madeleine ne s’était jamais repentie de son choix, tant il avait su mener gaillardement les affaires du ménage. Aujourd’hui, la femme était défunte, il restait veuf avec sa fille Françoise. Sans doute, il aurait pu se reposer, laisser la roue du moulin dormir dans la mousse ; mais il se serait trop ennuyé, et la maison lui aurait semblé morte. Il travaillait toujours, pour