Page:Les Soirées de Médan.djvu/166

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Et, portant à son front sa main droite finement gantée, elle imite le salut militaire, gravement.

Puis, plus familière :

— Bonjour, vous tous, la coterie.

Alors, marchant autour de la table, gracieuse et délurée, elle fait aux uns un simple salut, aux autres elle donne de grandes poignées de main hommasses, suivant les connaissances, les sympathies, les amitiés. Et, à l’extrémité de la manche où blondit un bout de fourrure fauve, le petit gant de Suède jaune va, vient, se démène, quitte une main, en reprend une autre, disparaît tout entier dans la peau rude d’un gros gant d’ordonnance, réapparaît, puis disparaît à nouveau sous de grosses et galantes moustaches qui l’effleurent d’un baiser cérémonieux, tandis que, derrière lui, la robe remuée met une traînée d’odeur voluptueuse et d’élégance provocatrice.

— Hein ? Vous ne trouvez pas ? Comme c’est ennuyeux ce siège ? Je sors des ambulances. Ah ! mes enfants, vous n’avez pas l’idée de ce que ça sent mauvais là-dedans ! Vous permettez, n’est-ce pas ?

Sans attendre la réponse, elle envoie d’un geste son chapeau sur un fauteuil. Sa chevelure apparaît alors coiffée comme pour un bal, une étonnante chevelure d’un roux faux jusqu’à l’extravagance qui tire-bouchonne sur son dos, et frise sur son front, avec des entortillements de copeaux d’acajou. Puis, la face blanche de poudre de riz, les lèvres rouges de fard, les yeux avivés par le khol, de son vêtement tombé, elle jaillit en robe de soie noire, pleine de volants et décolletée. Dans la large échancrure d’un corsage où s’attache aussi une cocarde de rubans aux couleurs nationales, les seins se montrent maintenus haut par le