Page:Les Soirées de Médan.djvu/223

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canons prussiens qui répondent furieusement, arrondissent jusqu’à l’horizon un cercle de fumée où l’autre est enveloppé.

Une lunette à la main, le général regarde avec nonchalance ce spectacle monotone pour son œil de soldat. Il va, vient, de long en large, sur la vaste plate-forme, braquant sa vue une fois sur Gennevilliers, une fois sur Meudon, au hasard, puis revient au Mont-Valérien dont les pièces de marine, plus près, emplissent l’air d’un tintamarre plus fort, et tout ce grand remue-ménage l’excède comme une chose inutile. Même il s’en désintéresse, et machinal, regarde l’employé du télégraphe transmettre les ordres qu’il envoie, par habitude. L’appareil Morse fonctionne : il s’amuse au claquement sec du manipulateur, aux rouages d’horlogerie mettant en marche la bande de papier bleu où s’inscrivent les dépêches. Tout à coup, tout s’arrête, ses ordres sont transmis, collationnés, et il reste là surpris de la prompte fin de son plaisir. Mais la sonnette tinte à nouveau : une vis est levée, le papier se déroule, et sans savoir pourquoi, comme s’il se doutait qu’un bonheur est là, annoncé dans ces traits irrégulièrement longs et courts, il essaye de lire, le cou tendu, ne comprend rien à ces signes qui l’irritent par leurs hiéroglyphes, interroge l’employé.

— Eh bien ?

— Du pont de Sèvres, un parlementaire vient d’arriver aux avant-postes demandant une suspension d’armes d’une demi-heure pour faciliter la rentrée à Paris de Mme  de P…

L’homme se penche,… épèle, hésite : « Madame… madame de Panavan, de Ponarvon.