Page:Les Soirées de Médan.djvu/294

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rante. Et, toutes, il les avait également aimées d’un sacerdotal amour : leur facilitant les aveux, devinant ce qu’elles ne disaient pas, indulgent pour les égarées, vibrant à toutes leurs douleurs, pleurant avec elles sur leurs misères. Et, dans elles toutes, ce qu’il avait aimé alors, — chastement, croyait-il, chrétiennement, c’est-à-dire du même amour dont Notre Seigneur Jésus-Christ, lui, avait aimé Madeleine, — n’était-ce pas encore ce qu’il avait aimé, autrefois, avec la violence naïve de l’instinct : un être unique, abstrait, la plus adorable créature de Dieu : la femme !

Mais s’il n’avait jamais aimé la femme que comme Notre Seigneur Jésus-Christ et à travers la grille du confessionnal, n’était-elle pas monstrueuse l’injustice qui, au bout de trois ans de sacerdoce, lui avait interdit l’entrée de ce confessionnal ? Oh ! la jalousie de certains collègues de villages voisins, auxquels il avait enlevé involontairement des pénitentes de marque ! Les dénonciations à l’archevêché de Rennes ! Les lettres anonymes ! Appelé cinq fois en huit jours au palais épiscopal, il n’avait pas été sympathique au grand vicaire. Privé de son poste, la messe lui étant interdite pour six mois, il s’était d’abord incliné chrétiennement. Jusqu’au coup de tête de son engagement, ayant lu dans le journal, un soir, le récit des premiers désastres. Et, maintenant, blessé, sur le point de mourir de froid et d’inanition, il venait d’être sauvé miraculeusement par une jeune femme.

Édith était prise à ce moment d’une quinte de toux.

— Il fait très froid, pensa-t-il de nouveau. Elle va prendre une fluxion poitrine. Ce serait ma faute !

Son passé de prêtre ne lui défendait pas de la faire mettre à sa place sous la toile goudronnée, tandis que