Page:Les Soirées de Médan.djvu/303

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blaient très lourdes. Pour un rien, il les eût lâchées, et ses yeux se seraient fermés, et il se serait laissé choir à côté de la jeune femme.

Elle, s’alanguissait à son tour. Les paroles devenaient rares. Puis, la conversation tomba tout à fait. Édith crut avoir sommeil, s’étendit de son long sur la paille, prit ses dispositions pour dormir. Elle était sur le côté droit, les pieds dans une couverture, à l’avant de la charrette, la tête un peu exhaussée et touchant presque le cercueil. Et elle fermait les yeux depuis un moment, cherchant à s’assoupir, lorsque tout à coup la lanterne, dont la bougie avait brûlé jusqu’au bout, s’éteignit.

Ils se trouvaient tous les deux au fond d’une obscurité profonde. Gabriel, toujours sur le banc, les guides à la main, ne distinguait même plus la route. Le cheval continuait d’avancer, machinalement. Alors Gabriel, n’entendant plus remuer la jeune femme, crut qu’elle dormait ; il osa s’étendre avec précaution parallèlement à elle, le plus loin possible. Mais, ni l’un ni l’autre ne dormaient, et, dans leur immobilité, ils eurent peu à peu très froid ; ils se rapprochèrent. Dans la nuit profonde, par le grand froid, sans s’être parlé, voilà qu’ils se trouvaient presque dans les bras l’un de l’autre. Alors, tout à coup, tous les deux à la fois, ils se serrèrent éperdument, et leurs lèvres qui se cherchaient, se rencontrèrent. C’était plus fort qu’eux ! Maintenant ils se dévoraient de caresses.

Vers cinq heures du matin, Gabriel, qui dormait en tenant Édith endormie dans ses bras, se réveilla en sursaut, à moitié étourdi. La charrette s’étant presque renversée dans une ornière profonde, sa tête avait