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L’ATTAQUE DU MOULIN

— J’ai tiré tant que j’ai pu, répondit tranquillement Dominique.

Cet aveu était inutile, car il était noir de poudre, couvert de sueur, taché de quelques gouttes de sang qui avaient coulé de l’éraflure de son épaule.

— C’est bien, répéta l’officier. Vous serez fusillé dans deux heures.

Françoise ne cria pas. Elle joignit les mains et les éleva dans un geste de muet désespoir. L’officier remarqua ce geste. Deux soldats avaient emmené Dominique dans une pièce voisine, où ils devaient le garder à vue. La jeune fille était tombée sur une chaise, les jambes brisées ; elle ne pouvait pleurer, elle étouffait. Cependant, l’officier l’examinait toujours. Il finit par lui adresser la parole :

— Ce garçon est votre frère ? demanda-t-il.

Elle dit non de la tête. Il resta raide, sans un sourire. Puis, au bout d’un silence :

— Il habite le pays depuis longtemps ?

Elle dit oui, d’un nouveau signe.

— Alors il doit très bien connaître les bois voisins ?

Cette fois, elle parla.

— Oui, monsieur, dit-elle en le regardant avec quelque surprise.

Il n’ajouta rien et tourna sur ses talons, en demandant qu’on lui amenât le maire du village. Mais Françoise s’était levée, une légère rougeur au visage, croyant avoir saisi le but de ses questions et reprise d’espoir. Ce fut elle-même qui courut pour trouver son père.

Le père Merlier, dès que les coups de feu avaient cessé, était vivement descendu par la galerie de bois, pour visiter sa roue. Il adorait sa fille, il avait une