Page:Les Soirées de Médan.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
L’ATTAQUE DU MOULIN

des Français. On avait vu des troupes du côté de Sauval.

— Ah ! qu’ils se pressent, qu’ils soient ici le plus tôt possible ! murmura-t-elle avec ferveur.

À ce moment, onze heures sonnèrent au clocher de Rocreuse. Les coups arrivaient, clairs et distincts. Elle se leva, effarée ; il y avait deux heures qu’elle avait quitté le moulin.

— Écoute, dit-elle rapidement, si nous avons besoin de toi, je monterai dans ma chambre et j’agiterai mon mouchoir.

Et elle partit en courant, pendant que Dominique, très inquiet, s’allongeait au bord du fossé, pour surveiller le moulin. Comme elle allait rentrer dans Rocreuse, Françoise rencontra un vieux mendiant, le père Bontemps, qui connaissait tout le pays. Il la salua, il venait de voir le meunier au milieu des Prussiens ; puis, en faisant des signes de croix et en marmottant des mots entrecoupés, il continua sa route.

— Les deux heures sont passées, dit l’officier quand Françoise parut.

Le père Merlier était là, assis sur le banc, près du puits. Il fumait toujours. La jeune fille, de nouveau, supplia, pleura, s’agenouilla. Elle voulait gagner du temps. L’espoir de voir revenir les Français avait grandi en elle, et tandis qu’elle se lamentait, elle croyait entendre au loin les pas cadencés d’une armée. Oh ! s’ils avaient paru, s’ils les avaient tous délivrés !

— Écoutez, monsieur, une heure, encore une heure… Vous pouvez bien nous accorder une heure !

Mais l’officier restait inflexible. Il ordonna même à deux hommes de s’emparer d’elle et de l’emmener,