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Page:Les Soirées de Médan.djvu/54

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V


Il était trois heures. De grands nuages noirs avaient lentement empli le ciel, la queue de quelque orage voisin. Ce ciel jaune, ces haillons cuivrés changeaient la vallée de Rocreuse, si gaie au soleil, en un coupe-gorge plein d’une ombre louche. L’officier prussien s’était contenté de faire enfermer Dominique, sans se prononcer sur le sort qu’il lui réservait. Depuis midi, Françoise agonisait dans une angoisse abominable. Elle ne voulait pas quitter la cour, malgré les instances de son père. Elle attendait les Français. Mais les heures s’écoulaient, la nuit allait venir, et elle souffrait d’autant plus, que tout ce temps gagné ne paraissait pas devoir changer l’affreux dénouement.

Cependant, vers trois heures, les Prussiens firent leurs préparatifs de départ. Depuis un instant, l’officier s’était, comme la veille, enfermé avec Dominique. Françoise avait compris que la vie du jeune homme se décidait. Alors, elle joignit les mains, elle pria. Le père Merlier, à côté d’elle, gardait son attitude muette et rigide de vieux paysan, qui ne lutte pas contre la fatalité des faits.