Page:Les Soirées de Médan.djvu/89

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de bordeaux pour le printemps, quand les Prussiens seraient partis.

Le souper à peine achevé, comme on était brisé de fatigue, ou se coucha.

Cependant Loiseau, qui avait observé les choses, fit mettre au lit son épouse, puis colla tantôt son oreille et tantôt son œil au trou de la serrure, pour tâcher de découvrir ce qu’il appelait : « les mystères du corridor ».

Au bout d’une heure environ, il entendit un frôlement, regarda bien vite, et aperçut Boule de suif qui paraissait plus replète encore sous un peignoir de cachemire bleu, bordé de dentelles blanches. Elle tenait un bougeoir à la main et se dirigeait vers le gros numéro tout au fond du couloir. Mais une porte, à côté, s’entr’ouvrit, et, quand elle revint, au bout de quelques minutes, Cornudet, en bretelles, la suivait. Ils parlaient bas, puis ils s’arrêtèrent. Boule de suif semblait défendre l’entrée de sa chambre avec énergie. Loiseau, malheureusement, n’entendait pas les paroles, mais à la fin, comme ils élevaient la voix, il put en saisir quelques-unes. Cornudet insistait avec vivacité. Il disait :

— « Voyons, vous êtes bête, qu’est-ce que ça vous fait ? »

Elle avait l’air indignée et répondit :

— « Non, mon cher, il y a des moments où ces choses-là ne se font pas ; et puis, ici, ce serait une honte. »

Il ne comprenait point, sans doute, et demanda pourquoi. Alors elle s’emporta, élevant encore le ton :

— « Pourquoi ? Vous ne comprenez pas pourquoi ?