Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/20

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Je sens dedans mes os leur sanglante fureur.

Ainsi pressé de mal je me sens ruyné,
Sans oser m'asseurer qu'en ma perseverance
Je voye mon tourment quelquefois terminé,
Car il faut qu'en aymant je n'aye autre esperance
Qu'au malheur amoureux où je suis destiné.


XXI.


De pleurs & de sanglots je nourriray ma vie,
En ma peine & travail je prendray mon plaisir,
Attendant que la mort vienne mon cœur saisir,
Je gesneray mon ame où elle est asservie.

Je me veux obstiner en ma peine envieillie,
Je veux par mon ennuy contenter mon desir,
Dans quelque antre je veux ma retraite choisir
Vviant en la douleur dont mon ame est saisie.

La cause de mon mal est si douce à mon cœur,
Que je ne voudrois pas eviter mon malheur,
Pour oublier l'ennuy qui fait que je souspire.

Que doncques mille fois je meure chasque jour
Que je perisse heureux sous les forces d'amour,
Et que toujours je sois pressé de mon martire.


XXII.



Si ma mort vous plaisoit par un sort favorable
Ores je perirois, pour vous monstrer l'honneur
Que je vous veux porter, encores qu'en rigueur,
Maistresse vous teniez mon ame miserable.

Je ne possede rien qui soit tant desirable
A mon amie, que l’œil par qui j'ay pris l'humeur
Des vostres pour ma vie, & toutefois mon cœur
Le hait si vous n'avez sa lumiere agreable.

J'aime ce qui vous plaist, je hay ce qui vous fasche
Afin de vous complaire incessamment je tasche