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AMOUREUX

XIII.




Je ne veux plus aymer : car ceste flame ardante
Qui consomme mon cœur, m’agitte incessamment,
Sous la cruelle horreur de l’eternel tourment
Qui gesne sans repos mon ame impatiente :

Rien que peur à mes yeux ores ne se présente ;
Je suis rongé de soin de moment en moment,
Et sous le desespoir par trop cruellement
Amour conduit helas ! le bien de mon attente.

Ha ! feux qui allumez ce desir en mes os,
Vous esloignant de moy permettez au repos
De glisser en mon sang pour finir ma misere :

Non agreables feux, mais revivez tousjours,
Et redoublans heureux l’ardeur de mes amours,
Faites moy vivre au mal du bon-heur que j’espere.


XIIII.



Un barbare indomté qui n’auroit dans le cœur
Que le cruel desir qui pousse son courage,
À respandre le sang, appaiseroit sa rage,
S’il voyoit vos beaux yeux au fort de sa fureur.

Un Cyclope noircy de sa bruslante ardeur
Des soufflets eternels qui chauffent son ouvrage,
Voyant de vos beautez la venerable image,
Osteroit de son front l’espouvantable horreur.

Si moy doncques qui n’ay la cruauté en l’ame,
Qui ne porte l’effroy de l’Aethneane flame,
Je meurs vous regardant, ne vous estonnez pas,

Mais par vostre douceur egaler mon martire,
En en prenant pitié de mon cœur qui expire
En languissant pour vous, sauvez moy du trespas.


XV.



Il me plaist de mourir s’il vous est agreable,
Ou d’une triste vie allonger mon malheur,