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d’un embonpoint tout rempli de promesses. Je l’entendis qui disait à sa voisine qui la complimentait sur sa belle santé :

— J’ai été plus grasse.

Ce qu’il restait de cette graisse là me suffirait bien, pensai-je à demi-voix.

Elle devina ma pensée et rougit.

Je me fis bientôt présenter chez elle et j’appris à la mieux connaître. C’était une grande diseuse de morale et une sévère étalagiste de vertu, impitoyable à l’endroit des autres femmes qui péchaient. Un jour, elle me dit :

— Sachez que je n’ai jamais eu d’amant !

— Par la morbleu ! Je serai donc le premier ! m’écriai-je. Elle se dressa fière et en colère. Je me jetai à ses genoux pour implorer son pardon, je ne me relevai qu’après l’avoir obtenu sur sa bouche.

— Quoi ! me dit-elle en minaudant, vous m’avez embrassée ! Est-ce bien moi qui me suis laissé faire ? Moi qui …

Elle s’arrêta court. La voix lui manqua soudain comme à une personne qu’on vient de bâillonner par surprise. Et pourtant, je le jure, ce n’était pas sur sa bouche que j’avais appliqué ma main.

Comme elle portait toujours cette bienheureuse guimpe de dentelles, un voile si commode et qu’on écartait si aisément, ses deux seins se trouvaient sous mes lèvres. Ils étaient bien tels que je me les étais figurés, moins solides que frais, mais la matière en était délicate, le bouton fondait sous le baiser. On mordait dans ses épaules comme dans une pêche mûre. Je m’assis sur un tabouret, je l’attirai sur moi… Bref, je l’enfilai.

Elle n’était pas étroite, ni large non plus. C’était un beau lieu où l’on entrait sans obstacle ; il y régnait une humidité comparable à la pluie d’été douce et chaude. Je