Page:Les Types de Paris, 1889.djvu/166

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pour demain, Paris se refait des fatigues accumulées, des jours trop remplis, des nuits écourtées pour demain, Paris se refait des fatigues accumulées, des jours trop remplis, des nuits écourtées, et l’engourdissement des activités prolonge son repos. Dans la rue morue s alignent les trottoirs, la chaussée vide ou s’épandent les reflets jaunissants des clartés premières; point de travailleurs cheminant vers le chantier comme aux aubes ouvrables; aucun écho du heurt sec des volets décrochés ou du roulement des devantures métalliques qu’on relève et qui grondent. La lumière, maintenant plus vive, éclaire le rare passage d’une tintinnabulante charrette de laitier, le va-et-vient des porteuses de pain, la course rapide des facteurs de porche en porche, l’arrêt auprès des kiosques des distributeurs de journaux pliant sous le bras, en deux, au hasard, les larges feuilles encore humides de l’impression... Lentement, paresseusement Paris s éveille, se surprend à vivre d’une vie particulière faite de lassitude, et l’accalmie matinale forme au loisir du dimanche un solennel prélude. Partout où sont en service l’esprit et le corps, l’espoir de cette trêve d’un tour de cadran a soutenu c patient et rude effort de la semaine. Aux heures de découragement, de révolte, de surexcitation des nerfs et de tout l’être, elle est apparue comme l’adoucissement promis, infaillible, comme un terme d’affranchissement, comme l’affirmation du droit au plaisir, à la liberté. Le dimanche rend l’indépendance de la volonté et des allures à l’humble, au sacrifié, au reclus rivé à la tache du lever au coucher, à tout ce qui obscurément peine, languit ou souffre. Et Paris, retrouvant peu à peu l’expansibilité native, s’anime d’autre façon que par la semaine, revêt une physionomie mouvementée, singulièrement opposée à la consternation du dimanche londonien. Les mondanités cosmopolites, la file des équipages lors de la grand-messe ou du tour de bois, les élégances convenues du champ de course ou du patinage sur le lac, ne contribuent en rien à ce réveil du caractère national; la vie est sans dimanche pour les oisifs dont les jours coulent monotones, la veille semblable au lendemain; seuls le connaissent le peuple et le bourgeois, et seuls ils sont à étudier. L’abolition de la contrainte, le recouvrement de la libre disposition de soi-même viendront à point pour aider à l