Page:Les Types de Paris, 1889.djvu/171

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les chaleurs capiteuses du gaz, par l’ambition de voir, d’entendre ; dans la mêlée chacun cède à son impression, s’abandonne à l’instinct, s’avoue, se livre ; sans gêne ni de retenue du parler ou du geste, chacun proteste, approuve, raille, s’esclaffe de bon cœur ou sanglote sou soûl... Cette veillée de rires et de pleurs compose l’ordinaire achèvement du dimanche d’hiver ; il s’est passé en besogne d’ordre, de rangement, -- pour la femme en ravaudage contre la fenêtre bueuse, au son de l’orgue nasillard, puis dans la lente préparation de ce repas du soir où se réunit aux enfants l’aïeule venue de loin ; et la saine odeur de la soupe fumante, le calme de l’intérieure dans la lumière tamisée de la lampe, saisissent d’aise l’ouvrier qui rentre les oreilles bourdonnants du bruit du débit de vin, du tumulte du club, la tête étourdie par les revendications socialistes, par les menaces de Commune, d’émeute ou de grève. Malgré les arbres dénudés, l’air glacé, si la marmaille s’élève en cris contre la réclusion, c’est une promenade par la brume grise, avec des repos dur les banquettes de velours des musées, des stations dans les bazars, les églises, les chapelles improvisées de l’Armée du Salut, dans les bureaux d’omnibus où se peuvent réchauffer les petites mains rouges, raidies par l’onglée. Et d’autres fois le vent du nord, en faisant trembler la vitre, évoque le souvenir des malades qui souffrent, des aimés qui dorment sous la terre et la neige, et, par les tristes dimanches d’hiver, afflue aux grilles des hôpitaux, aux portes des cimetières, le bon peuple de Paris.

Dimanches d’été, dimanches ensoleillés, dimanches de liesse, de rassérènement et d’amour. Du ciel apaisé, de l’atmosphère limpide vient le contentement de vivre et en même temps le désir aigu d’échapper au milieu quotidien, au logis sombre, étroit, étouffant, de gagner le large, les champs, la plaine qui donne l’illusion de l’éloignement, de l’infini. Par les rues, des groupes hâtent le pas, les cadets, hors d’haleine, ayant peine à suivre. Sur les quais des trains de ceinture, aux départs des tramways, sur les pontons des bateaux-mouches, l’émotion, la crainte anxieuse d’un retard, multiplient bousculades et disputes. Paris s’enfuit, se vide, se déverse, égrène sur les rives