Page:Les Types de Paris, 1889.djvu/173

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les pêcheurs résignés et confiants, répand dans la banlieue commerçants propriétaires arrogants d’un arpent de tournesols, emplit les taillis, les fourrés du caquetage des amants, de l’expansion des familles en gaieté. Et les rires, les éclats redoublent, quand, au pied des grands arbres, les provisions s’étalent, quand joyeusement sautent les bouchons ; sur les pelouse du bois, au Ranelagh, si loin que s’étend le tapis d’herbe, papillotent les taches claires des toilettes printanières, des hommes en manches de chemise, tandis qu’au delà, auprès des cafés, les trottoirs envahis se couvrent de tables d’affamés, tout à la joie du dîner en plein air, sans lequel il n’est point d’enviable partie d’été.

Vers le même instant, Paris délaissé, sauf en ses promenades, en ses faubourgs pareils à des marchés ambulants, Paris où sont seuls demeurés les amateurs du jardinage sous les toits, Paris offre par endroits l’aspect d’une province reculée : au milieu de la rue où le vieil aveugle psalmodie quelque sentimentalité, les fillettes sautent à la corde sous les yeux des concierges majestueux qui béatement respirent assis devant le seuil. De la campagne de Paris, il ne connaîtront que le parfum, lorsque à la tombée du jour rentrent, la chanson aux lèvres, les promeneurs en bandes, les femmes fleuries de bouquets, les brides du chapeau ou du bonnet dénouées, les petits endormis sur l’épaule ou dans le bras du père… A vivre dehors, à s’enivrer d’air, de soleil, de lumière, à lasser ses muscles par la marche, lui s’est détendu les nerfs, refait le corps, et l’âme regaillardie, approvisionné de vaillance jusqu’à l’éclaircie prochaine, il reprendra demain le sombre combat pour la vie.