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Page:Les anciens couvents de Lyon.pdf/36

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L’ABBAYE D’AINAY

par un tel exemple qu’on n’a rien à craindre quand on porte en soi la charité du Père, et qu’on ne souffre rien quand on envisage la gloire du Fils. En effet, quelques jours après, les impies appliquèrent le martyr à de nouvelles tortures, espérant que, s’ils remettaient le fer et le feu dans ses plaies encore ouvertes, et tellement enflammées qu’on ne pouvait les toucher sans qu’il en ressentît une insupportable douleur, sa constance céderait enfin, ou qu’en le faisant expirer dans les supplices, son sort épouvanterait les autres. Mais l’événement trompa leurs prévisions ; car, par un miracle inespéré, son corps, parfaitement rétabli dans sa forme et sa force premières, se trouva disposé à de nouveaux combats, et, par la grâce de Jésus-Christ, la seconde épreuve fut pour lui un remède plutôt qu’un tourment.

« Biblis était au nombre de ceux qui avaient renoncé à la foi. Les païens, à l’instigation du démon qui connaissait sa faiblesse, s’avisèrent de l’appliquer à la torture, pensant qu’elle avouerait les crimes dont on accusait les chrétiens. Mais les tourments réveillèrent Biblis comme d’un profond sommeil. Les douleurs passagères qu’elle ressentait la faisant penser aux peines éternelles, elle se mit à haranguer le peuple avec force : « Et comment, dit-elle, mangerions-nous des enfants, nous à qui il n’est pas même permis de manger le sang des bêtes[1] ? » Elle confessa ensuite qu’elle était chrétienne, et fut mise avec les martyrs.

« Ainsi Jésus-Christ, par sa grâce, ayant rendu la constance des confesseurs victorieuse de tous les supplices, l’enfer eut recours à de nouveaux moyens pour les perdre. Il les fit jeter dans un cachot ténébreux. Là, on leur mit les pieds dans des entraves de bois qu’on écarta avec violence jusqu’au cinquième trou, leur faisant souffrir tous les tourments que la rage vaincue est capable d’exercer sur des captifs. Dieu, pour faire éclater sa gloire, permit ce que beaucoup de ces saints confesseurs mourussent étouffés dans

  1. Les chrétiens observaient alors et continuèrent à observer encore, pendant plusieurs siècles, la défense de manger du sang, portée par l’ancienne loi, et confirmée par le concile des apôtres.