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VINGT-DEUXIÈME AVENTURE.

futaine trouée çà et là ne présage rien de bon, et cette longue bordure blanche est la double rangée de dents qui doit vous briser les os. Je n’aime pas non plus cette entrée étroite que vous ne pouviez passer, et j’en conclus que vous vous trouverez bientôt mal à votre aise. Heureusement je sais un charme dont la vertu vous soutiendra dans les dangers qui vous menacent. Le jour qu’on en fait usage, on ne peut ni mourir ni perdre un seul membre. Le voici : Quand vous sortez d’un asile, par le fossé, par la fenêtre ou par la porte, il faut tracer trois croix sur le seuil du fossé, de la fenêtre ou de la porte : on est ensuite assuré de revenir sain et sauf. »

Renart, ranimé par ces bonnes paroles, se lève, ouvre l’huis et fait le charme qu’Hermeline vient de lui apprendre. Il gravit une montée dans le bois, et de là ne tarde pas à distinguer une corneille qui après s’être plongée dans une eau limpide, réparoit avec son bec le désordre de ses plumes. Renart pour attirer son attention s’étend sur le dos immobile, les yeux fermés, et la langue tirée. Il espère que l’oiseau, dès qu’il le verra, croira pouvoir s’abattre sur lui et voudra s’emparer de cette langue friande. La corneille en effet jette çà et là les yeux, puis les arrête sur Renart