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VINGT-NEUVIÈME AVENTURE.

bon Paradis que celui où l’on a telle viande à foison ! Je n’en voudrois jamais d’autre. » En même temps il jetoit les dents sur la geline et la dévoroit sans y rien laisser que les plumes. Puis revenant au puits : « Feu Renart, » dit-il, « aie compassion de ton compère ; apprends-moi, par la grace de Dieu, comment à ton exemple je pourrai gagner Paradis.

Ah ! » répond Renart, « vous demandez là quelque chose de bien difficile. Voyez-vous, le Paradis, c’est la maison du ciel, on n’y entre pas quand et comme on veut. Vous conviendrez que vous avez toujours été violent, larron et déloyal. Vous m’avez toujours poursuivi d’injustes soupçons, quand vous aviez une femme remplie de vertus, un vrai modèle de pudicité. — Oui, oui, j’en conviens, » dit Ysengrin, « mais à cette heure je suis repentant. — Eh bien ! si vous êtes dans les bonnes dispositions que vous dites, regardez les deux vaisseaux qui sont l’un près de vous, l’autre près de moi. Ils servent à peser le bien et le mal des âmes. Quand on se croit en état d’espérer les joies de Paradis, on entre dans la corbeille supérieure, et si l’on est en effet repentant, on descend facilement ; mais on reste en haut si la confession n’a pas été bonne et complète. —