Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
TRENTE-DEUXIÈME AVENTURE.

Jamais chasseurs ne trouvèrent mieux à qui parler. Quoique percé de cent flèches barbelées, les chiens n’osèrent me toucher, et je contraignis les vilains à me laisser maître du champ de bataille. Mais ce ne fut que pour un instant ; tandis qu’aucun d’eux n’osoit plus m’attendre, j’en atteignis un dont je mis à découvert les entrailles pantelantes. Je le labourois de mes pieds et de mes dents, il poussoit un dernier cri de détresse, quand par malheur un autre, arrivant par derrière, me décharge sur la nuque un coup de massue qui me fait chanceler et tomber. Les chiens et les vilains de revenir tous à la charge : je sens l’étreinte des dents, le fer des pieus, la pluie des pierres et des carreaux. Les mâtins tomboient, revenoient sans cesse. Enfin mon corps sanglant n’étoit plus qu’une blessure, je pris le parti de regagner les bois. On n’osa me poursuivre ; je me dirigeai lentement vers le premier taillis, et de là me retrouvai bientôt au milieu de mes domaines.

Tel est le beau service que Renart me rendit. Je ne prétends pas en faire clameur, j’ai voulu seulement montrer par un exemple quelle étoit sa façon de procéder. Aujourd’hui damp Ysengrin porte plainte contre lui ; l’autre jour c’étoit Tiecelin qu’il avoit plumé traîtreusement et qu’il vouloit mettre