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BRUN ET LES RAYONS DE MIEL.

provisions de pois et de lard ; et pourquoi je me suis déjeuné avec six denrées de frais rayons de miel. »

À ce mot de miel, Brun, oubliant ce qu’il savoit de la malice de Renart, ne put s’empêcher d’interrompre : « Nomini patre christum fil, ami ! où pouvez-vous donc trouver tant de miel ? Ne voudriez-vous pas m’y conduire ? par la corbieu ! c’est la chose que j’aime le mieux au monde. » Renart étonné de le trouver si facile à enpaumer, lui fait la loupe, et l’autre ne s’apperçoit pas que c’est la courroie qui doit le pendre. « Mon dieu ! Brun, » reprit-il, si j’étois sûr de trouver en vous un véritable ami, je vous donnerois, j’en atteste mon fils Rovel, autant de ce miel excellent que vous en pourriez desirer. Il ne faut pas le chercher loin ; à l’entrée de ce bois que garde le forestier Lanfroi. Mais non : si je vous y conduisois uniquement pour vous être agréable, j’en aurois mauvais loyer. — Eh ! que dites-vous là, Renart ? vous avez donc bien peu de confiance en moi. — Assurément. — Que craignez-vous ? — Une trahison, une perfidie. — C’est le démon qui vous donne de pareilles idées. — Eh bien ! donc, je vous crois, je n’ai rien contre vous. — Et vous avez raison : car l’hommage que j’ai fait au roi Noble ne me rendra jamais faux et