Page:Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, 1933.djvu/143

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Ô nuit lugubre ! ô nuit désastreuse, effroyable !
Où, pressés et tassés comme des grains de sable,
J’ai senti sur mon cul, ma pine et mes roustons
Passer, la lance au poing, leurs sombres escadrons.
En vain, d’un ongle aigu, j’étreignais les rebelles,
On eût dit, que pour fuir, ils possédaient des ailes.
Sous les poils, sous la peau, sous les chairs abrités,
Ils se léchaient encor leurs dards ensanglantés ;
Et puis, se ravisant, ils mordaient de plus belle
Et, si pour les guetter, j’allumais la chandelle,
Plus rien : les sacripants, confinés dans leurs trous,
Barricadaient la porte et tiraient les verrous.
Enfin, ivres de sang, repus de chair humaine,
Je les sentis marcher d’un pas plus chancelant ;
Ce n’était plus qu’un morne et sourd fourmillement,
Une démangeaison vague et comme incertaine,
En un mot, mes amis, la fin de mon tourment.
Je pus alors fermer ma paupière alourdie…
Dans l’inerte langueur de ce dernier sommeil,
Voici la vision de haute fantaisie
Qui, jusqu’au jour naissant, me tint l’âme en éveil.

Certes on a vu des rois épouser des bergères
Et partir des fusils qui n’étaient pas chargés ;
On a vu, dans Paris, des familles entières,
Femmes, enfants, vieillards, par les puces rongés ;
On a vu des gandins qui portaient des bretelles ;
On a vu, Dieu me damne ! accoucher des pucelles ;
Eh ! que dis-je ? on a vu des maris impuissants
Monter sur leur femelle et faire des enfants ;


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