Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/18

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Rien de plus simple que l’exercice de ce droit : une commission, qui pour la forme a dû convoquer le chef de la tribu et lui demander son avis, dresse un procès-verbal et décide que telle réserve indigène sera formée désormais d’une superficie de… Grâce à ce système, les décisions qui ont pu être prises antérieurement, décisions en vertu desquelles es réserves indigènes avaient telle et telle étendue, sont incessamment soumises à révision, au gré des amateurs blancs de bonnes terres fécondées et cultivées par les indigènes. Des villages entiers peuvent ainsi être expropriés d’un trait de plume. Un gouverneur, s’il est en veine de générosité, accordera, en prenant 100 hectares, 75 fr. d’indemnité pour le transfert du village et le trouble causé. Moins bien disposé, il s’emparera purement et simplement de telle réserve ou de telle partie de réserve, en expliquant que ces terres font retour au domaine. L’euphémisme « reprendre » couvre d’invraisemblables spoliations.

Ces expropriations qui, dans un pays où la bonne terre n’est pas abondante, aboutissent à l’anéantissement des natifs, sont d’autant plus faciles à réaliser que le géomètre, chargé de déterminer ce qui est domaine et ce qui est réserve, a pu légalement considérer comme domaine des villages et des cultures, propriétés séculaires qui se trouvent ainsi, sans que les intéressés le soupçonnent, transformées ou précaires.

Le Comité de protection et de défense des Indigènes a dressé le sinistre tableau des spoliations de ce genre effectuées pendant une courte période de treize mois : Janvier 1899 à Janvier 1900[1]. C’est un spécimen effrayant du régime auquel est soumise la malheureuse population canaque.

Tout récemment encore, les terres d’un chef très dévoué à la France furent convoitées. On fit entendre à ce chef que les deux villages où sa tribu était installée, vous entendez bien les villages, étaient placés sur des terrains du domaine de l’État. Lui, se

  1. Spoliation des indigènes de la Nouvelle-Calédonie, Mémoire du Comité de protection et de défense des indigènes, Paris, 1904, rue Cujas, 17, p. 14 et suiv.