Page:Les illégalités et les crimes du Congo, 1905.djvu/44

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sessions. J’ai essayé de faire comprendre par des récits, par des transcriptions de fables et de légendes, l’état d’âme des nègres du Soudan français. J’ai fait voir qu’ils ont une intelligence, qu’ils ne sont pas simplement des brutes comme beaucoup le pensent et le disent, que ce sont des hommes dans toute l’acception de ce terme, physiquement et moralement égaux à nous-mêmes, mais simplement en retard de quelques siècles sur notre civilisation ; ce sont nos jeunes frères, nous sommes leurs aînés, et comme tels, notre devoir le plus impérieux est de les élever progressivement jusqu’à nous à l’aide d’une éducation rationnelle et pratique basée sur nos conceptions scientifiques modernes.

J’ai porté cette parole partout où je l’ai pu. Cela ne m’a, du reste, pas réussi. J’avais été chargé de l’organisation d’une série de recherches scientifiques ; j’étais revenu de là-bas ébloui par les paysages soudanais, par les richesses ignorées et inexploitées ou plutôt bêtement exploitées jusqu’à destruction, de l’Afrique française ; je rêvais de faire de ces richesses un inventaire méthodique, de recenser la flore et la faune coloniales comme on a fait pour celles de la France, de façon à pouvoir dire à ceux qui veulent aller là-bas : « voici quelles sont les ressources de telle région…, voici ce que vous pourrez y faire et y trouver… ; voici les coutumes des indigènes qui y vivent et leur nombre, voici par quels moyens on doit se faire aimer d’eux, etc. ; » car les indigènes sont, le plus souvent, des hommes doux et bons qui ne demandent, lorsqu’on a eu soin de les instruire, qu’à travailler avec nous, qu’à coopérer à nos efforts, qu’à s’associer comme l’a dit tout récemment, dans une heure d’enthousiasme, qui, malheureusement, n’a pas eu de lendemain, le Ministre des Colonies.

Lorsque, — ayant pu, à grand peine, constituer un Comité d’Etudes et un Groupement scientifique pour réaliser ce premier stade de la mise en valeur de nos possessions, et qui doit logiquement faire suite à la conquête et à l’occupation militaires, — j’ai été sur le point de repartir aux colonies, chargé de mission, par le ministre M. Doumergue, le gou-