Page:Les régiments d'infanterie de Compiègne.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À minuit (23-24 mai), un soldat pénètre affolé dans le poste où depuis des heures nous attendons. « Mon capitaine, les Allemands sont derrière nous ! » Toutes mes prévisions se sont donc réalisées ! Je rassemble quelques hommes, prends ma canne et bondis au dehors, cependant que mon fourrier lance les fusées de secours.
Nous n’allons pas loin ; une grenade éclate qui me jette à terre, me blessant légèrement aux jambes. Dix Allemands sont sur moi, tandis que mes pauvres compagnons tombent à leur tour, et je vois un flammenwerfer dirigé contre l’issue de ma cave, où se trouvent brancardiers et blessés.
Du sol où je suis cloué, j’interpelle en allemand mes agresseurs : « Je suis officier ; faites venir un officier allemand. — Nous sommes tous officiers (!) — Non ! » Un feldwebelleutnant arrive, et pour sauver mes blessés, je suis obligé à cette phrase terrible : « Nous sommes pris ; laissez du moins sortir mes hommes. » Il s’incline. — « Sortez, le 254 » ; Je les vois surgir, par l’étroite issue, haute d’un mètre à peine, tandis que deux Allemands me soutiennent en m’entraînant.
Et je constate alors cette chose étrange : du village, il ne demeure plus rien ; tout est rasé ; mon abri lui-même est au sol ; je franchis, sans les voir maisons, tranchées et réseaux. Nous grimpons la côte de l’Oie, et là, dépassons des tranchées allemandes, intactes et bourrées d’hommes. Le 75 commence à donner… »

Les sous-lieutenants Artaud et Lalane parviennent à échapper aux Allemands et à franchir le tir de barrage avec quelques hommes ; ils se joignent au bataillon du 267e venu pour relever le 5e bataillon, qui s’établit face au village et empêche l’ennemi d’en déboucher.

La journée a été dure également pour le demi-bataillon Vayssière, très violemment bombardé. À 19 h.30 les Allemands essaient de donner l’assaut à nos lignes : leur attaque est complètement repoussée.

Les pertes ont été sensibles : les sous-lieutenants Cailleux et Thomas ont été tués, le commandant Roullet, le capitaine Laurenson et le sous-lieutenant Kieffer blessés. Les capitaines Lisbonne et Lefèvre, les sous-lieutenants Lagache et Marchand, le médecin aide-major Audouy ont disparu ; 47 sous-officiers, caporaux et soldats ont été tués, 51 blessés (dont 39 des 23e et 24e compagnies) et 393 disparus (tués, blessés ou prisonniers), presque tous du 5e bataillon.

En 1919, le général Claudon, qui commandait en 1916 à Verdun