Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/128

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auparavant par ses propres soldats, qui, complètement dégénérés de l’antique valeur romaine, parce que les meilleures troupes longtemps auparavant avaient été emmenées à Byzance par l’empereur Constantin, n’observaient plus ni coutumes ni bonnes mœurs dans leur manière de vivre. Ainsi, les hommes dignes de ce nom ayant disparu, ainsi que toute vertu, les lois, les costumes, les noms et la langue étant complètement changés, toutes ces causes ensemble et chacune en particulier avaient fait disparaître les beaux esprits et les grands génies, et il ne restait plus rien que de brutal et de grossier.

IX. — Mais, ce qui bien plus que toutes les autres causes de malheur que je viens d’énoncer causa des pertes et des dommages infinis aux professions susdites, fut le zèle fervent de ceux qui professaient la nouvelle religion chrétienne. Après une lutte longue et sanglante, quand elle eut finalement abattu et remplacé l’ancienne religion des païens, grâce à la foule des miracles et à la sincérité des rites, et tandis qu’elle veillait avec un soin vigilant sur les moindres faits qui pussent donner naissance à une erreur à détruire ou à extirper, non seulement ses adhérents mutilèrent et jetèrent à bas toutes les statues admirables, ainsi que les sculptures, peintures, mosaïques et autres ornements des faux dieux adorés par les païens, mais encore ils anéantirent les souvenirs et les monuments élevés à quantité d’hommes éminents, auxquels l’antiquité reconnaissante avait dressé en public, pour leur grand mérite, des statues et d’autres monuments destinés à perpétuer leur mémoire. En outre, pour élever des églises destinées au culte chrétien, non seulement ils détruisirent les temples les plus respectés des dieux, mais pour rendre Saint-Pierre plus riche et plus orné, outre les ornements que ce temple avait dès le début, ils enlevèrent des colonnes de pierre au môle d’Hadrien, qu’on appelle aujourd’hui le château Saint-Ange, et, à beaucoup d’autres monuments, que nous voyons aujourd’hui mutilés. Bien que la religion chrétienne n’agît pas ainsi par haine pour les arts, mais seulement pour outrager et détruire les faux dieux, il n’en est pas moins vrai que ce zèle excessif amena une telle ruine de ces professions autrefois si vénérées, que la forme s’en perdit entièrement. Pour que rien ne mapquât à une si grande infortune, la colère de Totila se déchaîna sur Rome. Non seulement il abattit les murs, et ruina avec le fer et le feu les plus admirables et remarquables édifices de cette ville, mais encore il la brûla en entier, et, l’ayant vidée de tous ses habitants, il la laissa en proie aux flammes ; pendant dix-huit jours entiers, il ne s’y trouva pas un vivant. Il abattit et détruisit les statues, les peinture, les mosaïques et les stucs admirables, au point