Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

analogues ; on en voit encore maintenant des bas-reliefs au-dessus de la porte de San Michele a piazza Padella, à Florence, à Ognissanti, ainsi que dans beaucoup d’autres lieux des sépultures et des ornements de portes d’églises. Elles ont, comme consoles, des figures destinées à soutenir le toit, si ridicules, si fausses, si laides de proportion et de manière, qu’il paraît impossible d’imaginer quelque chose de plus hideux.

XVII. — J’ai cru devoir pousser jusque-là l’histoire, prise aux débuts, de la sculpture et de la peinture ; peut-être me suis-je plus étendu que je n’aurais dû le faire dans cet ouvrage. Si je l’ai fait, ce n’était pas tant que je fusse transporté par l’amour de l’art, que désireux de rendre un service utile et général à nos artistes. Ceux-ci voyant comment l’art, partant d’un petit début, s’est haussé à un point culminant, et comment d’un si noble degré il a été précipité dans une ruine extrême (la nature de cet art étant par conséquent semblable à celle des autres choses, qui, comme les corps humains, naissent, croissent, vieillissent et meurent), pourront maintenant reconnaître plus facilement la progression de sa renaissance, et l’avènement de sa perfection, qu’il a reconquise de notre temps. Et s’il devait se produire encore (Dieu veuille le contraire !) que l’incurie des hommes, ou la perversité des temps, ou bien encore la volonté divine, à qui il ne plaît pas, semble-t-il, que les choses d’ici-bas se maintiennent longtemps dans une seule forme, conduisissent de nouveau l’art dans les mêmes désordres et la ruine, mes travaux pourront, quelle que soit leur valeur, et s’ils sont dignes de quelque longévité, maintenir l’art dans sa vitalité, par tout ce que j’ai écrit et par ce qu’il me reste à dire, ou tout au moins donner l’idée, à des esprits plus élevés que le mien, de secourir l’art par des moyens plus efficaces ; en sorte que, grâce à ma bonne volonté et à leurs efforts, l’art ait en abondance ces secours et ces ornements dont il a manqué jusqu’à maintenant ; qu’il me soit permis de le dire franchement.

À présent, il est temps d’en venir à la Vie de Giovanni Cimabue. Comme on lui doit le commencement de la nouvelle manière de dessiner et de peindre, il est juste et convenable que sa Vie soit la première de toutes celles que je vais écrire, et dans lesquelles je m’efforcerai le plus possible d’observer l’ordre de leurs manières plutôt que de suivre l’ordre des temps. Je serai bref dans la description de leur extérieur et de leur physionnomie, parce que leurs portraits, que j’ai ajoutés, avec autant de recherches et de dépenses que de soin, donneront la véritable effigie de ces artistes mieux que je n’aurais pu