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Giovanni CIMABUE
Peintre florentin, né en 1240, mort vers 1302



A u milieu du déluge de calamités qui ruina et noya la malheureuse Italie, non seulement avait disparu tout ce qui pouvait porter le nom d’édifice, mais encore, ce qui est plus grave, la race des Artistes était complètement éteinte, quand naquit, comme par la grâce de Dieu, dans la ville de Florence, l’an 1240, de la noble famille des Cimabui[1], Giovanni surnommé Cimabue, qui devait rendre son lustre à l’art de la peinture. En grandissant, Cimabue fut jugé par son père et par d’autres avoir un esprit vif et subtil, et il fut envoyé étudier les lettres à Santa Maria Novella, auprès d’un maître qui était de ses parents et qui enseignait dans ce temps-là la grammaire aux novices du couvent ; mais, au lieu de s’appliquer aux lettres, et, comme s’il s’y sentait poussé par la nature, il passait tout son temps à dessiner sur ses livres, et sur d’autres feuilles de papier, des hommes, des chevaux, des maisons, et diverses autres fantaisies. La fortune vint d’ailleurs favoriser cette inclination de nature. Quelques peintres grecs ayant été appelés à Florence par ceux qui gouvernaient alors la ville, uniquement pour y faire revivre la peinture plutôt entièrement perdue qu’écartée de la bonne route, commencèrent à peindre, entre autres choses détruites dans la ville, la chapelle des Gondi[2] dont les voûtes et les parois sont aujourd’hui presque entièrement dégradées par le temps, comme on peut le voir, à Santa Maria Novella, dans cette chapelle qui est placée à côté de la chapelle principale. Cimabue s’étant donc essayé dans cet art qui lui plaisait, et s’échappant souvent de l’école, restait des journées entières à voir travailler ces maîtres, de telle sorte qu’il fut jugé par son père et par ces peintres si apte à la peinture qu’on

  1. Appelée également des Gualtieri. D’après des documents relatifs à la mosaïque du Dôme de Pise, il se serait appelé Cenni, fils de Giuseppe da Firenze, du quartier de Saint’Ambrogio. Cimabue serait donc un surnom.
  2. Santa Maria Novella a été commencée en 1279. Les peintures de la chapelle Gondi, ou de San Luca, étaient postérieures à Cimabue et n’existent plus.