Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/20

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et de vous servir de toutes les manières et dans toutes les choses que j’ai pensé pouvoir vous procurer de l’agrément ou de l’utilité. C’est donc dans ce but que je publiai, l’an 1550, les vies de nos meilleurs et plus fameux artistes, incité par une occasion que j’ai exposée autre part, et aussi, pour dire la vérité, par une généreuse indignation que tant de talent ait été pendant si longtemps et restât encore ignoré. Je ne crois pas que mon travail ait été entièrement inutile ; au contraire, il demeure acquis, outre ce qu’on m’en a dit et écrit, de différents endroits, que du grand nombre d’exemplaires qu’on en a alors tiré, on ne trouve plus un volume chez les libraires. Entendant donc chaque jour les demandes faites par quantité d’amis et ne connaissant pas moins le secret désir de beaucoup d’autres, je me suis de nouveau remis au même travail (bien qu’étant occupé à d’importantes entreprises), avec le dessein non seulement d’ajouter ceux qui, ayant passé à une meilleure vie depuis cette époque jusqu’à maintenant, me donnent l’occasion d’écrire tout au long leur vie, mais encore de suppléer à tout ce qui manquait de perfection dans mon œuvre première. J’étais d’ailleurs en mesure de mieux comprendre beaucoup de choses et de revoir beaucoup d’autres, tant à cause de la faveur des illustres seigneurs que je sers, qui sont les véritables soutiens et protecteurs de toutes les vertus, que de la commodité qu’ils m’ont donnée d’explorer de nouveau toute l’Italie, de voir et d’entendre quantité de choses qui, primitivement, n’étaient pas parvenues à ma connaissance. J’ai donc pu aussi bien corriger qu’augmenter tant de passages, que plusieurs vies peuvent êtres dites avoir été pour ainsi dire refaites à nouveau ; d’autres, même parmi les artistes anciens, qui n’existaient pas, ont été ajoutées. Je n’ai reculé devant aucune fatigue, outre une grande dépense et de grands ennuis, pour raviver davantage la mémoire de ceux que j’honore tant, pour retrouver leurs portraits et les mettre en tête de leurs vies[1]. Pour satisfaire davantage de nombreux amis que je compte hors des arts, mais qui sont très affectionnés aux arts, j’ai réuni, dans un abrégé, la plus grande partie des œuvres de ceux qui sont encore vivants, et qui sont dignes d’être toujours renommés à cause de leurs talents. La considération, en effet, qui me retint dans le temps, si l’on y réfléchit bien, n’a plus de raison d’être, puisque je me propose de ne parler que d’œuvres excellentes et dignes de louange. Cela pourra

peut-être servir d’aiguillon et pousser chacun à travailler excellemment

  1. Tous ces portraits ont été supprimés, comme n’offrant pas une authenticité suffisante.