Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

costumes de l’époque, très différents des nôtres, reçoivent San Ranieri à table. Vient ensuite la mort du saint, où sont remarquablement rendus la douleur de tous ceux qui l’entourent, et la montée des anges qui portent au ciel son âme, environnée d’une lumière éclatante. Vraiment on ne peut pas non plus regarder sans admiration la translation au Dôme du corps de San Ranieri, dans laquelle sont plusieurs prêtres qui chantent en marchant. Dans leurs gestes, dans leurs actes et dans tous leurs mouvements ils ont une telle vérité qu’ils ressemblent absolument à un groupe de chanteurs ; c’est dans cette fresque que se trouve, dit-on, le portrait de l’empereur Louis de Bavière[1]. Antonio mit le même soin à représenter les divers miracles opérés par le saint, pendant sa translation, et ceux qu’il fit étant déjà déposé au Dôme : les aveugles recouvrant la vue, les paralytiques retrouvant l’usage de leurs membres, les possédés délivrés du démon. Entre toutes ces figures, une mérite d’être regardée avec plus d’attention : c’est celle d’un hydropique, au visage desséché, aux lèvres enfiévrées, au ventre gonflé, et elle est rendue avec une perfection qui montre la soif et les autres effets de cette affreuse maladie. Une peinture remarquable pour ce temps est également celle qui représente un vaisseau battu par la tempête et sauvé par l’intervention du saint ; on y remarque tout ce que les mariniers font en pareil cas. Les uns jettent à la mer dévorante, sans regret, les marchandises acquises au prix de tant de fatigues, d’autres s’efforcent de réparer le bateau qui s’entr’ouvre, ou sont occupés à des manœuvres. Mais il est inutile d’entrer dans tous ces détails ; qu’il nous suffise de dire qu’ils sont tous rendus avec une énergie et un savoir-faire merveilleux.

Dans le même édifice, au-dessous de la vie des Pères peinte par Pietro Laurati de Sienne, Antonio représenta les corps des bienheureux Onufre et Paphnuce, avec plusieurs épisodes de leur vie, dans un cercueil figuré en marbre[2]. En somme, toutes les peintures qu’il fit au Campo Santo[3] sont regardées universellement, et avec raison, comme les meilleures de toutes celles qui y ont été faites, à différentes époques, et par plusieurs maîtres excellents. Outre les particularités signalées, il peignait toutes ces œuvres à fresque, en ne retouchant rien à sec, ce qui fut cause que, jusqu’à présent elles ont conservé des

  1. Mort en 1347.
  2. Inexact. Antonio termina une partie de la fresque des Lorenzetti et représenta au-dessous le corps du bienheureux Giovanni Gambacorta dans son cercueil.
  3. Dont la plupart existent encore ; peintes de 1384 à 1386.