Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/281

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m’exprimer ainsi, pauvres en décoration. Dans les colonnes, en effet, ils n’observèrent pas les mesures et les proportions que demande l’art ; ils ne distinguèrent plus les ordres dorique, ionique, corinthien et toscan, mais ils mélangèrent tout, se faisant une règle à eux, grossissant leurs colonnes à l’excès ou les amincissant de même, selon les besoins de leurs constructions. Ce qu’ils inventèrent fut en partie tiré de leur cerveau ou inspiré par les fragments d’antiques qu’ils avaient sous les yeux. Quant aux plans, ils les tiraient en partie de bons exemples, puis ils y ajoutaient leurs fantaisies, en sorte que les murailles une fois sur pied avaient une autre forme que le plan primitif. Néanmoins, qui comparera leurs œuvres à celles des artistes antérieurs verra que toute chose s’y est améliorée ; il verra des œuvres qui peuvent donner une certaine envie à notre époque, comme par exemple quelques petits temples en brique, ornés de stucs, qui sont à Saint-Jean-de-Latran, à Rome.

J’en dirai autant de la sculpture qui, dans le premier âge de sa renaissance, eut beaucoup de bon. Elle abandonna la lourde manière grecque, qui était si grossière qu’elle tenait encore plus de l’extraction de la carrière que du travail des artistes, leurs statues étant toutes droites, sans plis dans les draperies, sans attitude ni mouvement, en un mot sans rien qui leur permît d’être appelées des statues. Giotto ayant ensuite perfectionné le dessin, d’autres perfectionnèrent également les figures de marbre et de pierre, comme firent Andrea Pisano, Nino, son fils, et ses autres disciples qui surpassèrent de beaucoup les premiers sculpteurs, qui contournèrent plus leurs statues et leur donnèrent une bien meilleure attitude. C’est ainsi qu’opérèrent deux artistes siennois. Agostino et Agnolo, qui firent, comme on l’a déjà dit, le tombeau de Guido, évêque d’Arezzo, et les maîtres allemands qui firent la façade d’Orvieto.

On voit donc qu’à cette époque la sculpture s’était quelque peu perfectionnée, qu’elle donnait une certaine forme meilleure aux figures, avec un plus beau développement de plis dans les draperies, avec un meilleur air dans les têtes, avec des attitudes qui n’étaient pas si raides, et que, somme toute, elle commençait à acquérir de la beauté ; elle manquait toutefois d’une infinité de particularités, parce que, à cette époque, le dessin était loin d’être parfitit, et qu’on ne voyait pas beaucoup d’œuvres belles à pouvoir imiter. Aussi les maîtres qui vécurent en ce temps-là, et que j’ai placés dans la première partie, mériteront-ils cet éloge, et doit-on tenir d’eux le compte que méritent leurs œuvres. Il faut, en effet, considérer que, de même, les architectes et les peintres de cette époque, qui ne purent nullement s’aider de leurs prédécesseurs,