Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/360

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faisait finir une autre ; et comme c’était pour lui une récréation, il s’y tenait presque continuellement. Grâce à cette sollicitude, Filippo put terminer la sacristie, que Donato orna de stucs, et aux ouvertures de laquelle il plaça l’ornementation en pierre et des portes de bronze. Cosme plaça la sépulture de son père sous une grande table de marbre, soutenue par quatre balustres, au milieu de la sacristie où s’habillent les prêtres. Dans le même lieu, il réunit les tombeaux de sa famille, en séparant ceux des hommes et ceux des femmes ; dans le coin de l’une des deux petites chambres, entre lesquelles se trouve l’autel de la sacristie, il établit un puits et un lavabo. En somme, toute chose fut faite avec beaucoup de jugement. Giovanni et les autres fondateurs avaient eu l’intention de faire le chœur au milieu, sous la tribune ; mais Cosme, sur le conseil de Filippo, changea ce plan, agrandit la chapelle principale, qui, primitivement, avait une niche bien plus petite, de manière qu’on pût disposer le chœur tel qu’on le voit à présent. Lorsque ces travaux furent terminés, on eut encore à construire la tribune du milieu et le reste de l’église, qui ne furent voûtés qu’après la mort de Filippo.

Cette église est longue de cent quarante-quatre brasses, et l’on y voit beaucoup d’erreurs ; par exemple, les colonnes de la nef ne sont pas posées sur un dé aussi haut que le pied de la base des pilastres qui sont sur les marches, en sorte que le pilastre, plus court que la colonne fait paraître toute l’œuvre boiteuse. Du reste, on doit accuser de ces défauts les architectes qui succédèrent à Filippo[1], qui jalousaient son renom, et qui, pendant sa vie, avaient fait des modèles en concurrence au sien. Comme Filippo s’en était moqué dans certains sonnets, ils se vengèrent ainsi, après sa mort, non seulement dans cette œuvre, mais encore dans toutes celles où ils eurent à travailler après lui. Il laissa le modèle et construisit une partie du canonicat de San Lorenzo, où il pratiqua un cloître de cent quarante-quatre brasses de longueur.

Pendant qu’on travaillait à cette construction, Cosme de Médicis voulut faire élever son palais ; il manifesta son intention à Filippo, qui, laissant tout de côté, lui donna un grand et admirable modèle pour ce palais qui devait s’élever face à San Lorenzo, sur la place, mais complètement isolé. Le génie de Filippo s’était donné si libre cours que Cosme, trouvant le bâtiment trop grand et trop somptueux, plus par crainte de l’envie que de la dépense, ne voulut pas le mettre à exécution. Pendant que Filippo travaillait à ce modèle, il avait cou-

  1. Entre autres, Antonio Manetti.