Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/405

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à Bruges, il se lia d’une étroite amitié avec Jean, à qui il fit présent de dessins à la mode italienne et de divers autres objets. Il arriva, par la persévérance d’Antonello, et Jean étant déjà vieux, que le peintre flamand voulut bien dévoiler son secret, et le Sicilien ne quitta pas le pays avant d’avoir bien appris ce qu’il désirait tant connaître. Peu après Jean mourut[1], et Antonello revint de Flandre pour revoir sa patrie et pour doter l’Italie de ce secret si précieux, si utile et si commode.

Étant resté quelques mois à Messine, il alla à Venise où il résolut de se fixer et de finir ses jours, et où il pouvait satisfaire son goût des femmes et des plaisirs. Il peignit alors un grand nombre de tableaux à l’huile[2], d’après la manière qu’il avait apprise en Flandre, et qui sont dispersés dans les palais des gentilshommes ; pour la nouveauté du travail, ils furent très estimés. Il en fit encore d’autres qu’il expédia au dehors. Ayant acquis à la fin une grande renommée, on lui commanda un tableau pour l’église San Cassano[3]; il ne ménagea ni son savoir, ni le temps, pour le mener à bonne fin, et il en retira de grands éloges.

Le secret qu’Antonello avait rapporté de Flandre lui valut, pendant toute sa vie, les bonnes grâces des magnifiques gentilshommes de Venise. Parmi les peintres qui étaient alors en crédit dans cette ville, on estimait beaucoup un certain Maestro Domenico. Il avait accueilli Antonello à son arrivée avec toutes les marques d’affection que l’on peut donner à son plus intime ami. Antonello, qui ne voulut pas lui être inférieur en courtoisie, après quelques mois lui enseigna le secret et la manière de peindre à l’huile[4]. Quand il sera temps, nous parlerons des œuvres qu’il produisit à Florence, et nous dirons à qui il transmit le secret qu’il avait si libéralement reçu d’Antonello, Celui-ci, après avoir terminé le tableau de San Cassano, fit un grand nombre de tableaux et de portraits, pour plusieurs gentilshommes vénitiens, et Messer Bernardo Vecchietti, Florentin, en possède un qui représente saint François et saint Dominique, et qui est très beau[5]. La Seigneurie venait de lui commander plusieurs peintures destinées au palais, quand il fut atteint

  1. En 1440. La date de la naissance actuellement connue, d’après les archives de Messine, infirmerait le récit de Vasari.
  2. Ses œuvres authentiques sont rares : un portrait d’homme au Louvre, daté 1475.
  3. Ce tableau a disparu.
  4. Difficile à admettre. De 1439 à 1445, Domenico peint à l’huile la grande chapelle de l’église San Egidio, à Florence.
  5. Actuellement en Angleterre.