Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/466

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trat très rigoureux, Giovanni alloua l’entreprise à Domenico, avec les anciennes peintures qui existaient et ils s’accordèrent pour un prix de 1.200 ducats d’or larges, avec 200 en plus, dans le cas où l’œuvre lui plairait. Domenico se mit donc à l’ouvrage et ne s’arrêta pas avant de l’avoir terminé en quatre ans, l’an 1485[1], à la grande satisfaction de Giovanni qui se reconnut bien servi et avoua ingénument que Domenico avait bien gagné les 200 ducats de surplus, mais en lui demandant de se contenter du premier prix. Domenico, qui estimait plus la gloire et l’honneur que les richesses, le tint aussitôt pour quitte, lui affirmant qu’il se sentait plus heureux de l’avoir satisfait que de recevoir son argent. Giovanni fit ensuite faire deux grands écus en pierre, l’un portant les armes des Tornaquinsi, l’autre des Tornabuoni, et qu’il fit placer sur les pilastres extérieurs de la chapelle. De plus l’arc fut garni des autres armes de sa famille, distinctes par noms, à savoir outre les deux susdites, celles des Gianichotti, des Popoleschi, Marabottini et Cardinali. Lorsqu’il peignit le tableau de l’autel, il le surmonta d’un arc contenant, dans le cadre doré, un beau tabernacle pour le Saint-Sacrement, sur le fronton duquel cadre il fit un petit écusson d’un quart de brasse avec les armes des propriétaires de la chapelle, c’est-à-dire des Ricci.

Ce fut une belle histoire quand on découvrit la chapelle ; les Ricci cherchèrent avec grand bruit leurs armoiries, et, ne les voyant pas, allèrent, munis de leur contrat, se plaindre au tribunal des Huit. Les Tornabuoni montrèrent que, suivant les termes du contrat, ils les avaient placées dans le lieu le plus apparent et le plus honorable, et, comme les Ricci se récrièrent, disant qu’on ne les voyait pas, on leur répliqua qu’ils avaient tort et qu’il devaient être enchantés d’être voisins du Très Saint-Sacrement. C’est ainsi que les magistrats décidèrent que les choses devaient être comme elles sont maintenant. En faisant ce récit, nous avons voulu montrer que la pauvreté est toujours la dupe de la richesse, et que celle-ci, accompagnée de la prudence, arrive toujours à ses fins, sans être blâmée de personne.

Pour revenir aux belles œuvres de Domenico, il y a, dans cette chapelle d’abord, sur la voûte, les quatre Évangélistes, plus grands que nature, et, sur la paroi de la fenêtre, les histoires de saint Dominique, de saint Pierre martyr, de saint Jean quand il va dans le désert, l’Annonciation de la Vierge, et plusieurs saints, protecteurs de Florence, agenouillés, au-dessus des fenêtres. En bas, à droite, se trouve le portrait

  1. Commencé en 1485, le travail fut terminé en 1490. Toutes ces fresques existent encore, mais quelques-unes sont très altérées.