Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/475

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Giovanni de Florence. Il dessina très bien et abondamment. En concurrence de lui, Antonio fit quelques sujets où il l’égala en travail et le surpassa en dessin. Pour cette raison, les consuls de l’Art des Marchands, voyant son grand talent, décidèrent de lui confier l’exécution de quelques-uns des reliefs en argent, destinés à l’autel de San Giovanni[1] ; les siens furent si bien réussis qu’on les reconnaît comme meilleurs que tous les autres. Ils représentent le Festin d’Hérode et la danse d’Hérodiade[2] ; mais le plus beau morceau est le saint Jean, entièrement ciselé, qui est au milieu de l’autel. Les Consuls demandèrent ensuite à Antonio des candélabres d’argent hauts de trois brasses et une croix en proportion ; il s’en acquitta avec une telle perfection que cette œuvre a toujours été trouvée merveilleuse par les étrangers et ses compatriotes. Il éprouva des peines incroyables dans ces travaux d’or, d’argent et d’émail. Parmi ces œuvres, il y a quelques Paix, à San Giovanni, très belles, qui sont des émaux colorés au feu, en sorte qu’au pinceau on pourrait peu y ajouter ; on en voit également, qui sont vraiment miraculeux, dans d’autres églises de Florence, de Rome et ailleurs en Italie. Malheureusement, quantité des émaux sortis des mains des Pollaioli, ou de leurs élèves, ont été mis au feu et détruits, pendant la guerre, pour les besoins de la ville.

Antonio, s’apercevant d’ailleurs que cet art donne peu de renommée à ceux qui l’exercent, se résolut à le quitter, désireux de se faire un nom plus glorieux ; ayant un frère, Piero, qui s’adonnait à la peinture, il se mit avec lui pour en apprendre les procédés et savoir se servir des couleurs. La peinture lui paraissait un art si différent de l’orfèvrerie, que, s’il n’avait pas pris si rapidement la résolution d’abandonner entièrement celle-ci, il ne se serait peut-être jamais décidé à se tourner de l’autre côté. Aussi, aiguillonné par le dépit plutôt que par l’intérêt, il apprit, en peu de mois, la pratique du coloris et devint un maître excellent. S’étant donc mis entièrement avec son frère, ils peignirent de concert quantité de peintures ; entre autres, comme ils recherchaient beaucoup le coloris, un tableau à l’huile[3] qu’ils firent pour le cardinal de Portogallo, et qui est placé sur l’autel de sa chapelle, à San Miniato, hors de Florence ; ils y représentèrent saint Jacques, apôtre, saint

  1. Conservé actuellement au Musée du Dôme.
  2. Reliefs restitués à Antonio di Salvi ef Francesco di Giovanni. Le saint Jean est de Michelozzo. Verrochio fit le relief delà Décollation ; Cennini fit l’Annonciation de la naissance de saint Jean et Pollaiolo la Nativité. Il ne fit que la base de la Croix, mentionnée plus bas, en 1456.
  3. Actuellement aux Offices.