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droit de la colonne, on y pose un cube ; par exemple, si la colonne est grosse d’une brasse, si l’architrave est large et haute de même, le cube de la frise aura les mêmes dimensions. Mais on ménage sur le devant un huitième pour l’assemblage au plomb ; un autre huitième au plus sera pratiqué dans le cube, de manière à assurer un épaulement de chaque côté. La frise étant ensuite divisée en trois parties égales dans l’entre-colonnement, les deux parties extrêmes sont coupées en forme d’onglet et font un épaulement en sens contraire qui resserre et étreint le cube, en guise d’arc. De cette manière, le poids de la frise est reporté de chaque côté sur les cubes voisins, et la frise ne touche pour ainsi dire pas l’architrave. On jette ensuite derrière la frise un arc plein de briques, aussi haut que la frise et qui porte sur les cubes, d’une colonne à l’autre. C’est sur cet arc qu’on pose la corniche, de manière que l’architrave n’ait à supporter que son propre poids et ne risque pas de se rompre pour être trop chargée. Comme l’expérience démontre que ce mode de faire est très sûr, j’ai voulu en faire une mention particulière, au bénéfice de tout le monde, ayant particulièrement reconnu que la pratique des Anciens, de poser la frise et la corniche sur l’architrave, amenait, au bout d’un certain temps, la rupture de celle-ci, soit à la suite d’un tremblement de terre, soit pour toute autre cause, l’arc que l’on élevait sur l’entablement ne la défendant pas suffisamment. Mais en élevant des arcs sur les corniches, en liant le tout avec des chaînages de fer, on écarte tout péril et l’on fait durer l’édifice éternellement.

Pour revenir à notre sujet, nous dirons qu’on peut employer l’ordre dorique seul, ou le mettre en étage supérieur au-dessus du rustique, puis au-dessus un troisième ordre varié, ionique, corinthien ou composite, comme les Anciens nous le montrèrent dans le Colisée de Rome, dans lequel ils firent preuve d’art et de jugement. Les Romains, ayant triomphé non seulement des Grecs, mais encore de toute la terre, mirent l’ordre composite au rang supérieur, les Toscans l’ayant composé de diverses sortes, et ils le mirent au-dessus des autres comme supérieur en force, en grâce et en beauté, comme plus apparent que les autres, quand on a à couronner un édifice. Comme cet ordre est orné de belles parties, il fait à l’œuvre un amortissement très riche, et qu’on ne saurait désirer plus beau. Pour en revenir à l’ordre dorique, je dis que la colonne se fait haute de sept têtes, et sa base doit avoir un peu moins d’un quart et demi de hauteur et un quart de largeur. On la surmonte ensuite de ses corniches, et on la pose sur sa bande, avec un boudin et deux plateaux, ainsi que le veut Vitruve. Sa base et