Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/85

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exécute peu à peu. Il doit différencier les gestes et les attitudes, donnant aux femmes un air doux et agréable, ainsi qu’aux jeunes gens ; un aspect grave aux vieillards, et particulièrement aux prêtres et aux hommes de condition. Mais il ne faut jamais perdre de vue que toute chose soit traitée comme faisant partie d’un tout. De manière que, lorsqu’on regarde la peinture, on y reconnaisse une concordance de toutes les parties, qui cause de la terreur dans les furies, de la douceur dans les sujets agréables, et représente, d’un seul coup, l’intention du peintre, et non pas des choses auxquelles il ne pensait pas. II convient donc que les figures qui doivent être fières reflètent la vivacité et la vigueur, que les figures qui sont loin de celles situées sur le premier plan fuient, avec des ombres et des couleurs s’éteignant peu à peu, de manière que l’art soit toujours accompagné d’une gracieuse facilité et d’un charme exquis de couleurs. Il faut que l’œuvre soit amenée à perfection, non avec énergie d’une violente passion, pour éviter que les personnes qui la regardent n’éprouvent pas le contre-coup de ce qu’ils voient avoir été ressenti par l’artiste. L’œuvre doit au contraire les amener à prendre du plaisir en constatant la félicité de l’artiste d’avoir obtenu du ciel une pareille habileté de main qui lui permette de parfaire son œuvre, à la suite d’études et d’un travail assidus, mais sans effort. Il ne faut pas que, les œuvres paraissent mortes, là où elles sont exposées, mais au contraire qu’elles semblent vraies et vivantes à celui qui les considère. Que les peintres se gardent bien des crudités ; qu’ils s’efforcent continuellement de produire des œuvres qui ne fassent pas l’effet de peinture, mais qui se montrent vivantes et pleines de relief. Voilà le vrai et sûr dessin, voilà la vraie invention, que l’on peut reconnaître dans les peintures qui passent, et à juste titre, pour de belles œuvres.



Chapitre II. — Des esquisses, des dessins, des cartons, des perspectives. Dans quel but on les fait, et à quelle fin les peintres s’en servent.


Les esquisses dont on a parlé ci-dessus représentaient pour nous une première espèce de dessins, que l’on fait pour trouver le mode des attitudes et la première composition de l’œuvre. On les fait à grosses touches, et ce ne sont que les ébauches du sujet. On appelle ces dessins esquisses, parce qu’ils sont produits en peu de temps par l’impétuosité de l’artiste, soit avec la plume ou le charbon, soit avec un autre outil de dessin, et seulement pour essayer de rendre ce qui passe à l’artiste par la tête. C’est de ces esquisses que sortent ensuite