Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/108

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très riche. Mais, ayant prié un de ses compatriotes de compter cette somme et de l’évaluer à la mode italienne, le Florentin lui prouva que le tout ne montait pas à trente ducats. Torrigiano, se croyant joué, et outré de colère, courut vers sa statue et la mit en pièces. L’Espagnol, irrité, l’accusa d’hérésie ; jeté en prison, interrogé chaque jour, mené d’un inquisiteur à l’autre, Torrigiano fut enfin jugé digne d’un très grave châtiment, qui ne fut pas autrement mis à exécution, parce que, étant tombé dans une telle mélancolie qu’il resta plusieurs jours sans manger, il devint tellement faible que savie s’en alla peu à peu. En se privant de manger, il évita ainsi la honte du supplice qui l’attendait, ayant été, comme l’on croit, condamné à mort. Ses œuvres datent de l’an 1513 ou environ. Il mourut en 1522[1].




Giuliano et Antonio da SAN GALLO
Architectes florentins : le premier, né en 1445, mort en 1516 ;
le second, né en 1455, mort en 1534

Francesco[2] di Paulo Giamberti, qui fut assez bon architecte du temps de Cosme de Médicis et fut souvent employé par lui, eut deux fils, Giuliano et Antonio, qu’il plaça auprès de Francione, menuisier, pour apprendre la marqueterie. Giuliano apprit fort bien tout ce que le Francione lui enseigna, et les ouvrages de marqueterie qu’il exécuta ensuite toutseul dans le chœur du Dôme de Pise[3] sont encore maintenant très estimés dans ce genre de travaux. Pendant que Giuliano s’appliquait au dessin et que le sang de la jeunesse bouillait dans ses veines, l’armée du duc de Calabre, ennemi personnel de Laurent de Médicis, vint mettre le siège devant Castellina[4], pour occuper le territoire de la Seigneurie de Florence et parvenir, si cela lui réussissait, à accomplir de plus grands desseins. Laurent, forcé d’envoyer un ingénieur dans cette place pour la fortifier et prendre la direction de l’artillerie, ce que dans ce temps peu d’hommes étaient capables de faire, choisit Giuliano qu’il savait habile, actif entreprenant et dévoué, comme étant fils de Francesco qui l’avait été tout autant à la maison

  1. Mort fin juillet 1528. Le 5 novembre de cette année-là, sa veuve déclare ; mortans est el decessit, jam sunt tres menses et ultra.
  2. Francesco di Bartolo di Stefano, d’après sa déclaration de 1498. À vingt ans Giuliano est à Rome et travaille au palais San Marco.
  3. Ne sont pas de lui, mais bien du Francione et de Serravallino.
  4. En 1478.