Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/110

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de montrer les difficultés qu’il avait éprouvées. Il se rendit donc à Naples, et présenta son œuvre qui fut reçue avec beaucoup d’admiration tant pour la courtoisie qu’avait mise Laurent à l’envoyer que pour l’habileté du travail. On jeta immédiatement les fondations du bâtiment, près du Castel Nuovo. Après un court séjour à Naples, quand Giuliano alla demander congé au duc, pour revenir à Florence, le roi lui fit présent de chevaux, de riches vêtements et d’une coupe d’argent remplie de quelques centaines de ducats, que Giuliano ne voulut pas accepter, disant qu’il était au service d’un patron qui n’avait besoin ni d’or ni d’argent. Il ajouta que, si le roi daignait lui accorder une récompense, il le priait de lui permettre de choisir quelques morceaux parmi ses antiques ; le roi souscrivit libéralement à sa demande par amitié pour Laurent et aussi à cause du mérite de Giuliano. Celui-ci choisit un buste de l’empereur Adrien, que l’on voit aujourd hui sur la porte du jardin, dans le Palais Médicis, une statue de femme nue et un Cupidon endormi. Il envoya ses antiques à Laurent qui en montra une joie infinie, et ne cessa de louer le désintéressement de son architecte, qui avait donné la préférence aux arts sur l’or et l’argent, chose dont peu de gens sont capables. Le Cupidon est maintenant dans la garde-robe du duc Cosme.

De retour à Florence, Giuliano fut gracieusement accueilli par Laurent, à qui il vint la fantaisie, pour satisfaire Fra Mariano da Ghinazzano, homme très lettré, de l’ordre degli Eremitani di Santo Agostino, de faire bâtir, hors de la Porta San Gallo, un couvent capable de contenir cent religieux[1]. Beaucoup d’architectes firent des modèles, mais on adopta celui de Giuliano, que Laurent appela dès lors San Gallo, du nom du couvent[2]. Aucune des constructions entreprises par Laurent ne fut terminée, à cause de sa mort ; en 1530, le couvent fut jeté à terre pendant le siège de Florence et il n’en reste rien.

Survint à cette époque la mort du roi de Naples[3] et Giuliano Gondi, richissime marchand florentin, revint à Florence, où il fit construire, en face de San Firenze, à côté de l’endroit où étaient les lions, un palais d’ordre rustique par Giuliano avec lequel il s’était étroitement lié, lors du séjour de ce dernier à Naples. Ce palais devait former une encoignure et se retourner du côté de la Mercatanzia

  1. Commencé vers 1488.
  2. Il est déjà nommé de cettemanière dansdes actes de 1485 et dans le livre de dessins conservé au palais Barberini, à la date de 1465.
  3. Fernand 1er mourut le 25 janvier 1494.