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RAPHAEL D’URBIN
Peintre et Architecte, né en 1488, mort en 1520

Si l’on veut se rendre compte combien le ciel peut se montrer large et bienveillant, en accumulant sur une seule tête la richesse infinie de ses trésors et de ses grâces qu’il répartit ordinairement dans un long laps de temps entre plusieurs individus, on peut le voir dans le non moins excellent que gracieux Raphaël Sanzio d’Urbin. Il fut doté par la nature de cette modestie et de cette aménité que l’on remarque quelquefois chez les hommes qui, plus que d’autres, à une certaine bienveillance naturelle savent joindre l’admirable ornement d’une gracieuse affabilité, se témoignant douce et agréable, avec toute sorte de personnes et en n’importe quelle circonstance. La nature fit ce présent au monde, lorsque, vaincue par l’art de Michel-Ange Buonarroti, elle voulut l’être simultanément par l’art et l’amabifité de Raphaël. En vérité, la majeure partie des artistes antérieurs avaient eu de nature une certaine étrangeté et sauvagerie, qui non seulement les avait rendus extravagants et fantasques, mais encore était cause que souvent la noirceur et l’horreur des vices apparaissaient en eux plus que l’éclat et la splendeur de ces vertus qui rendent les hommes immortels. Il était donc tout naturel que, par opposition, dans Raphaël, brillassent les plus rares qualités du cœur et de l’esprit, accompagnées de tant de grâce, d’amour de l’étude, de beauté, de modestie et d’excellentes mœurs, qu’elles auraient suffi pour cacher tout vice, si honteux qu’il fût, et toute tache quelque grande qu’elle pût être. Aussi peut-on affirmer que ceux qui sont si bien doués ne sont pas des hommes, mais des dieux mortels, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Ceux qui laissent sur la terre, grâce à leurs œuvres, un nom célèbre et honoré, peuvent espérer au ciel une récompense digne de leurs travaux et de leur mérite.

Raphaël naquit à Urbin[1], cité illustre d’Italie, le vendredi saint de l’an 1483, à trois heures après minuit. Son père, Giovanni de’ Santi, peintre assez ordinaire, mais homme de sens et de jugement, se trouva capable de le diriger dans la bonne voie, que malheureusement on ne lui avait pas montrée dans sa jeunesse. Comme il savait combien il importe de nourrir les enfants, non avec le lait de nourrices, mais avec celui de la mère, son fils, né et baptisé du nom de l’ange Raphaël, qui

  1. Le 6 avril 1483. Sa mère s’appelait Magia di Gio. Battista Ciarla, et mourut en 1491. Giovanni se remaria et mourut en 1494.